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Une thérapie antivirale par oligonucléotides antisens ciblant le gène de la nucléocapside du SARS-CoV-2 réduit la réplication virale chez le hamster

Le SARS-CoV-2 est un coronavirus à ARN simple brin positif, responsable de la pandémie de COVID-19. L’apparition de nouveaux variants et l’efficacité limitée des antiviraux actuels soulignent le besoin d’autres thérapeutiques innovantes plus efficaces. Dans cette étude, des oligonucléotides antisens (ASO) ciblant le gène de la nucléocapside N du SARS-CoV-2 ont été conçus, testés in vitro avec succès, puis le meilleur ASO sélectionné a été évalué in vivo sur un modèle d'infection hamster. Chez les hamsters infectés, un traitement intranasal initial, suivi d’injections quotidiennes pendant 5 jours a montré une amélioration clinique significative : la consommation alimentaire a augmenté et la perte de poids a été réduite. L’ASO-N1 a induit une réduction de l’ARN viral et de l’expression des cytokines inflammatoires dans la muqueuse nasale, et a diminué efficacement le titre viral infectieux des écouvillons nasaux surtout à 3 jours post-infection. Malgré tous les variants du virus SARS-CoV-2 depuis sa découverte, la séquence cible de l’ASO-N1 est resté conservée ce qui démontre la robustesse de cette stratégie antivirale.

L’émergence du syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus 2 (SARS-CoV-2) à la fin de l’année 2019 a déclenché une pandémie mondiale, entraînant plus de 700 millions de cas confirmés et probablement plus de 7 millions de décès dans le monde jusqu’en mars 2025. L’infection par le SARS-CoV-2 a également été associée à des séquelles à long terme, collectivement connues sous le nom de syndrome du COVID long. On estime que 10 % à 30 % des cas non hospitalisés et 50 % à 70 % des cas hospitalisés présentent des symptômes persistants, affectant leur qualité de vie et posant des défis supplémentaires pour les systèmes de santé. Par conséquent, il existe toujours un grand besoin de développer des thérapies antivirales efficaces ciblant la phase initiale de l’infection aiguë, afin de réduire la charge virale et le risque d’inflammation élevée, diminuant ainsi la prévalence du syndrome du COVID long.

Figure résumé de l’article paru dans Molecular Therapy Nucleic Acids, 36(3), 102612

Les thérapies antivirales contre le SARS-CoV-2 présentent une efficacité limitée et provoque souvent des effets secondaires indésirables. La thérapie par oligonucléotides antisens (ASO ou petite séquence ADN, souvent modifiées chimiquement pour être plus stables) représente une stratégie antivirale prometteuse qui pourrait relever ces défis. Le principe de cette thérapie repose sur des séquences ADN courtes (18-22 nt) conçus spécialement pour se lier aux ARN cibles de manière complémentaire. Les ASO pénètrent dans les cellules soit par transfection in vitro, soit par des mécanismes d’endocytose naturel in vivo. Une fois dans le cytoplasme, l’ASO se lie à sa cible ARN, formant ainsi un complexe double brin ASO-ARN qui active la destruction de l’ARN ciblé par la RNase H1 cellulaire.

La présente étude visait à concevoir, cribler, évaluer et sélectionner des oligonucléotides antisens (ASO) ciblant l’ARN du virus SARS-CoV-2. Notre objectif était de réduire significativement la réplication virale, à la fois in vitro et in vivo, dans un modèle d’infection chez le hamster, qui représente le scénario le plus proche possible de l’infection clinique humaine. 

Résultats : 
Des tests de screening in vitro sur des modèles d’infection virale des cellules humaines, ont permi de sélectionné le meilleur traitement candidat : l’ASO-N1 dirigé contre l’ARN de la nucléocapside N. De plus, la combinaison de deux modifications chimiques différentes a augmenté l’efficacité antivirale in vitro. Enfin, malgré l’apparition des tous les variants du virus SARS-CoV-2, la séquence de la nucléocapside virale ciblée par l’ASO-N1 a été conservée au cours des quatre dernières années (2020-2024), ce qui démontre la robustesse de la stratégie thérapeutique choisie.

Des hamsters infectés par le SARS-CoV-2 ont donc été traités avec cet ASO-N1 administré par voie intranasale le jour de l’infection, suivi par des injections générales quotidiennes pendant 4 jours. Les animaux traités comparés aux contrôles ont présenté une amélioration significative des signes cliniques, avec une augmentation de la consommation alimentaire et une moindre perte de poids. L’ASO-N1 a induit une réduction durable de l’ARN viral N et de l’expression des cytokines inflammatoires dans la muqueuse nasale, tout en diminuant les titres viraux infectieux dans les écouvillons nasaux dès le 3ᵉ jour de traitement post-infection. 

Perspectives :
Cette étude sur un modèle d’infection animal a démontré la faisabilité d’utiliser la technologie de thérapie ARN par oligonucléotide antisens comme traitement antiviral contre le SARS-CoV-2. Les avantages des ASO antiviraux est leur spécificité, rapidité de conception in silico, facilité d’administration et faible toxicité. Il pourrait avoir un intérêt thérapeutique pour les personnes à risques de COVID-19 grave et/ou immunodéprimées afin de mieux lutter contre l’infection. Par ailleurs, le principe d’ASO antiviral pourrait être étendu à d’autres infections à virus ARN respiratoires comme cela est en cours pour le virus respiratoire syncitial.

Valorisation :
Brevet : European patent application No. EP23305055.8 ANTISENSE MOLECULES AND THEIR USES FOR THE TREATMENT OF CORONAVIRUS INFECTION, IN PARTICULAR THE TREATMENT OF COVID-19 RELATED TO SARS-CoV-2 INFECTION.

Contact :

  • Eric Barrey,  UMR 1313 GABI, Département Génétique Animale, Centre INRAE Jouy-en-Josas

Voir aussi

Références bibliographiques :
Fitzpatrick, C., Meunier, N., Lepoder, S., Dhorne-Pollet, S., Da Costa, B., Klonjkowki, B., … Barrey, E. (2025). Antisense oligonucleotides targeting the SARS-CoV-2 nucleocapsid gene decrease viral titers in hamsters. Molecular Therapy Nucleic Acids, 36(3), 102612. https://doi.org/10.1016/j.omtn.2025.102612

Notre article a également été commenté favorablement par l’un des reviewers :
Rossi, J. J. (2025). ASOs reduce SARS-CoV-2 viral titers in Syrian golden hamsters. Molecular Therapy Nucleic Acids, 36(3), 102653. https://doi.org/10.1016/j.omtn.2025.102653

Les travaux préliminaires 2020-2022 :
Dhorne-Pollet, S., Fitzpatrick, C., Da Costa, B., Bourgon, C., Eléouët, J., Meunier, N., … Barrey, E. (2022). Antisense oligonucleotides targeting ORF1b block replication of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2). Frontiers in Microbiology, 13(October), 1–13. https://doi.org/10.3389/fmicb.2022.915202

Barrey, E., Burzio, V., Dhorne-pollet, S., & Delmas, B. (2020). Think Different with RNA Therapy : Can Antisense Oligonucleotides Be Used to Inhibit Replication and Transcription of SARS-Cov-2 ? Prepints.Org, (April), 1–23. https://doi.org/10.20944/preprints202004.0412.v1